Ceux qui nous aiment…

Si nous étions des frères, nous saurions respecter la difficulté des autres à s’aimer eux-mêmes.

Nous serions sans dureté et sans arrière-pensée devant des échecs – voire même des faillites – qui ont aussi le visage d’un inviolable secret. Car l’approche de soi-même n’est pas sans risque ni l’accouchement de soi sans douleurs.

“Passer sur l’autre rive” expose toujours à la tempête. L’autre rive, c’est l’épreuve, c’est l’échec, la solitude, la mort – et toutes famines du coeur dont on ne guérit pas… Cette voix aussi – qu’on peut refuser d’entendre – mais qui n’en murmure pas moins, inlassablement : “Un Autre te mènera…”

Ceux qui nous aiment en vérité nous aiment avec tout ça.
Ceux qui nous aiment en vérité ne font pas le tri.
Ceux qui nous aiment en vérité ne jouent pas les donneurs de leçons.
Ceux qui nous aiment en vérité s’exposent avec nous, et parfois même à notre place.
Ceux qui nous aiment en vérité nous attendent et nous espèrent envers et contre tout, envers et contre tous, envers et contre nous-mêmes – surtout !

Et quand la tempête s’apaise – et même si d’autres devront suivre – vient le moment de l’émerveillement, du repos, de la paix. Où l’on se prend à murmurer : bénie soit la détresse qui m’a fait plus vivant, plus libre, plus aimant que je n’avais jamais osé, même dans mes rêves les plus fous.

Paul BAUDIQUEY